#8 Investissement Responsable : comment s'y retrouver parmi les différentes approches ?
Credits : Clark Tibbs
Vous avez été plusieurs à nous demander de faire un article sur l’investissement responsable, confirmant ainsi l’intérêt exprimé par les français à travers divers sondages. En effet, environ 60% des français expriment un réel intérêt pour l’épargne responsable (sondage Ifop). Mais cela ne semble pas encore se matérialiser dans leurs actes : seuls 5% d'entre eux avaient déjà investi dans un fonds ISR en 2019.
Cet écart entre l’intérêt des français pour l’investissement responsable et leurs décisions d’investissement peut être, au moins en partie, expliqué par les difficultés qu’ils éprouvent à s’y retrouver dans les différentes approches possibles et notamment parmi les nombreux labels et méthodes.
Qu’est-ce que l’ISR ?
L’Investissement Socialement Responsable (ISR donc) consiste à prendre en compte des critères extra-financiers couvrant les enjeux Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG donc) dans les décisions de placement et de gestion de portefeuilles. En résumé, c’est une application des notions de développement durable et d’impact social à l’investissement boursier.
Les enjeux ESG sont in fine très larges et vont, par exemple, de la gestion des déchets et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (critères environnementaux) à l’indépendance du conseil d’administration de la société (critère de gouvernance), en passant par la formation et le respect des droits des employés (critères sociétaux).
Avant de vous lancer dans l’ISR il vous faudra donc déterminer si certains critères sont plus importants que d’autres à vos yeux.
Le Label ISR
En France, un label ISR a été créé par décret en 2016 pour aider les investisseurs à trouver des fonds prenant en compte les critères ESG.
Pour obtenir le label ISR, un fonds d’investissement doit passer par un audit de labellisation.
Celui-ci est mené par deux organismes accrédités par le COFRAC (organisme parapublic qui s’assure de la qualité des labellisateurs) : Afnor Certification et le cabinet d’audit EY.
Cette première analyse permet de vérifier que les critères d’éligibilité du label ISR sont bien remplis. Ils sont répartis en 6 thèmes et comprennent par exemple :
La méthodologie d’analyse et de notation des critères ESG mise en œuvre par les entreprises dans lesquelles le fonds investit
Ou encore, la prise en compte des critères ESG dans la construction et la vie du portefeuille.
Pour s’assurer que le critères sont satisfaits, l’organisme de certification audite le fonds candidat en utilisant différents moyens :
Analyse des documents réglementaires, du relevé de portefeuille et du rapport de gestion du fonds
Entretiens avec les dirigeants du fonds pour approfondir certaines questions et demander des précisions
La décision d’attribution du label ISR est prise par l’organisme de certification, sur la base du rapport d’audit et le label est accordé pour une durée de trois ans, renouvelable, avec des contrôles intermédiaires pendant cette période.
La liste des fonds bénéficiant du label ISR est disponible ici.
Le Label Greenfin
En 2019, un nouveau label a vu le jour, Greenfin, avec pour objectif de mobiliser une partie de l’épargne des français au bénéfice de la transition énergétique et écologique.
Les fonds ayant ce label doivent ainsi investir un pourcentage déterminé de leurs actifs dans des activités durables et exclure les énergies fossiles et nucléaires de leurs investissements.
Pour délivrer ce label, le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire s’appuie encore sur Afnor Certification et EY mais aussi sur Novethic (entité de la Caisse des Dépôts spécialisée dans la finance durable et l’économie responsable).
Le détail de la méthodologie relative au label Greenfin est disponible dans ce document du ministère et la liste des fonds labellisés sur le site de Novethic.
Il existe différents labels propres à chaque pays en Europe mais à notre connaissance il n’existe pas encore d'initiative paneuropéenne faisant référence.
Les différentes approches de l’ISR
Plus concrètement, intéressons-nous maintenant aux différentes approches utilisées par les gérants de portefeuille pour créer des fonds avec une approche ISR.
On distingue 4 approches principales de l’ISR :
La sélection des entreprises : les fonds sélectionnent les entreprises cotées les plus performantes d’un point de vue ESG, c’est l’approche la plus fréquente en France, avec différentes méthodes de sélection :
« Best-in-class » : les plus performantes d’un secteur
« Best-in-universe » : les plus performantes quelque soit leur secteur d’activité
« Best-effort » : celles démontrant une amélioration, dans le temps, de leurs critères ESG
L’exclusion : les fonds excluent les sociétés cotées de certains secteurs d’activité (armement, tabac, alcool, jeux d’argent) ou les activités considérées comme dangereuses pour l’environnement (nucléaire, OGM), pour des raisons morales ou religieuses. C’est une pratique très répandue aux Etats-Unis
L’investissement thématique : investir dans des thèmes ou secteurs d’activité liés au développement durable (énergies renouvelables, eau, santé). Une pratique encore peu répandue en France
Engagement actionnarial : les fonds exigent des entreprises cotées une politique de responsabilité plus forte, soit en les interpellant directement, soit par l’exercice des droits de vote en assemblées générales. Une pratique très peu répandue en France
A ces approches historiques s’ajoute l’ISR de conviction, approche à l’initiative de Novethic. Sous ce terme, on retrouve l’approche thématique et la sélection “best-in universe”, qui consiste à privilégier les sociétés les mieux notées d’un point de vue extra-financier indépendamment de leur secteur d’activité, ce qui implique donc que les secteurs qui sont dans l’ensemble considérés plus vertueux seront plus représentés.
Source : Novethic
Les agences de notation extra-financière
Pour sélectionner les sociétés incluses dans les fonds ISR, les créateurs de fonds peuvent s’appuyer sur les données des agences de notation extra-financière. En France, les principales agences de notation extra-financière sont Vigeo Eiris (récemment acheté par l’agence de notation Moody’s), Ethifinance, Innovest et BMJ CoreRating. Des acteurs comme Conser combinant les points de vue de différentes agences, l’avis des investisseurs et les informations publiques commencent également à émerger.
En dehors des spécialistes de la notation extra-financière, les agences de notation financière (S&P, Moody’s et Fitch) s’intéressent de plus en plus à ce sujet en interne ou via la croissance externe.
Il n’existe pas aujourd’hui de véritable référence reconnue légitime par tous dans le domaine de la notation extra-financière, ce qui rend les recherches parfois difficiles pour les investisseurs. Mais nous pouvons nous attendre à voir émerger des standards dans les années à venir avec le développement de ce secteur qui devient clé pour les acteurs de la gestion d’actifs.
Les limites de la démarche ISR
Au delà du risque de “greenwashing” provenant de grandes sociétés travaillent leur image responsable sans forcément être en cohérence avec leurs actes, l’ISR est plus complexe que son traitement dans les médias peut parfois le laisser paraître.
Le principal obstacle à l’émergence d’une démarche ISR qui conviendrait à tous est la diversité des points de vue des investisseurs, et plus généralement de nous tous, sur ces sujets extra-financiers. A titre d’exemple, pour certains investisseurs, l’élément clé sera l’impact carbone, et à ce titre ils souhaiteront favoriser les sociétés et les énergies avec l’empreinte carbone la plus faible, et n’auront donc aucun souci à investir dans l’industrie nucléaire compte tenu de son très faible impact carbone. Pour d’autres, l’investissement ISR ne doit pas financer l’industrie nucléaire et un fonds ISR perdra toute crédibilité s’il est investi dans ce secteur. Il est donc très difficile de faire émerger une vision unique de l’ISR et l’investisseur doit s’impliquer pour bien comprendre les méthodologies et s’assurer qu’elles lui conviennent.
Concilier ISR et investissement en bourse
Aujourd’hui les investisseurs en bourse disposent de 3 options principales pour prendre en compte les critères extra-financiers dans leurs décisions d’investissement :
Passer par un fonds (OPCVM) disposant d’un label français (ISR ou Greenfin par exemple). Si vous optez pour cette option, attention à bien étudier le niveau des frais qui peut parfois être excessif
Investir via un ETF. Il existe quelques ETFs qui ont obtenu les labels français mais ils sont encore rares. Les ETFs adressent généralement l’ensemble du marché européen et font encore peu les démarches pour obtenir les différents labels nationaux. Il existe en revanche de nombreux ETFs thématiques ou ESG qui peuvent satisfaire vos critères tout en permettant de diversifier vos investissements, mais cela nécessite de bien se plonger dans la méthodologie de l’indice pour s’assurer qu’il est cohérent avec ce que vous recherchez
Sélectionner vous même les titres qui sont en accord avec vos critères. Cela permet de s’assurer que chacune des sociétés dans lesquelles vous investissez vous convient. En revanche, cette démarche nécessite que vous établissiez vos critères, que vous y passiez du temps et que vous ayez accès à une donnée de qualité sur ces sujets extra-financiers. Vous risquez également d’avoir moins de titres en portefeuille et donc d’avoir un portefeuille plus risqué car moins diversifié
L’investissement socialement responsable recouvre donc des approches très différentes et vos choix d’investissement dépendent de vos priorités sur ces sujets extra-financiers.
Après cette présentation un peu théorique, nous vous présenterons la semaine prochaine des exemples concrets de fonds et ETFs dans lesquels investir selon l’approche que vous souhaitez privilégier.
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Par Guillaume Lartigau et Julien Saint Georges, co-fondateurs d’Axel : l’indépendance au service de votre patrimoine
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