#12 Faut-il investir via un Plan Epargne Retraite (PER) ?
Nouveau produit d'épargne retraite, le PER vous sera surement proposé par votre conseiller d'ici la fin de l'année. Spécificités et déduction fiscale, voici ce qu'il faut savoir avant de vous décider.
Les enveloppes fiscales et les acronymes étant trop rares dans l’univers de l’épargne, un nouveau produit d’épargne retraite, le PER, a été lancé en octobre 2019.
Mais rassurez-vous, pour une fois ce nouveau support vise plutôt à simplifier les choses en remplaçant les anciens dispositifs d’épargne retraite. Trop nombreux et trop complexes, ils étaient peu utilisés par les français. Voici ce que vous devez savoir pour décider d’ouvrir ou non un PER.
Qu’est-ce que le PER ?
Le Plan Epargne Retraite (PER) a été lancé en octobre 2019 et vise à remplacer les nombreux dispositifs d’épargne retraite existants (PERP, Madelin, Article 83, Perco, etc.) par un nouveau, plus simple et plus flexible.
Le PER peut donc être décliné sous deux formes :
PER individuel qui succède aux PERP et “Madelin”
PER en entreprise qui succède notamment au Perco, avec la possibilité de percevoir des abondements employeurs, votre intéressement, etc.
S’il n’est plus possible d’ouvrir un des anciens contrats de retraite, vous pouvez le conserver ou le transférer vers un nouveau PER.
Le fonctionnement du PER est proche de celui d’une assurance-vie, avec la possibilité d’investir sur des fonds en euros sans risque et des placements risqués.
Dans quoi peut-on investir avec un PER ?
Comme pour l’assurance-vie, il existe donc une multitude de placements disponibles à l’investissement et qui dépendent du contrat choisi. Les premiers contrats lancés par les assureurs se limitaient principalement à des fonds en euros et unités de comptes classiques (OPCVM, SCPI, OPCI, etc.).
Mais ces derniers mois, des PER ont été lancés par les acteurs de l’épargne en ligne qui proposent parfois des ETFs, dont le faible niveau de frais est particulièrement adapté à un horizon de très long terme comme le PER.
Les contraintes du PER
S’il est plus flexible que ses prédécesseurs, le PER reste une enveloppe fiscale de très long terme. Théoriquement, vous pourrez récupérer les fonds placés sur votre PER au 1er jour de votre retraite, soit en capital soit sous forme de rente. Mais il existe deux cas de sortie anticipées :
Un accident de la vie (décès du conjoint ou partenaire de PACS, invalidité, surendettement, expiration des droits à l’assurance chômage, etc.)
L’achat d’une résidence principale, et c’est là une grande évolution par rapport aux produits d’épargne retraite précédents
Défiscaliser une partie de ses revenus
Le grand atout du PER est de permettre une déduction fiscale à l’entrée. Cela signifie que lorsque vous effectuez un versement sur votre PER, celui-ci vient en déduction de votre revenu imposable et réduit donc votre impôt d’un montant proportionnel à votre tranche marginale d’imposition. Voici un exemple :
Vous êtes imposé à la tranche marginale d’imposition à 30 % et vous effectuez un versement de 5 000€ sur un PER. Votre baisse d’impôt est de 1 500€, soit 30 % des 5 000€ versés.
Si vous êtes imposé à la tranche à 41 %, vous diminuerez votre impôt de 2 050€, soit 41 % de 5 000€. Ainsi, plus votre taux d’imposition marginal est élevé, plus vous aurez intérêt à effectuer des versements sur votre PER.
Par ailleurs, la baisse d’impôt obtenue des versements sur votre PER n’est pas soumise au plafonnement des niches fiscales à 10 000€ par an et par foyer fiscal. Cependant, le montant des versements déductibles est plafonné. La limite pour un salarié est de 10% du revenu net imposable de l’année précédente, dans la limite d’un plafond de 32 419€ en 2020.
Pour les travailleurs non-salariés, c’est un peu plus complexe. Le fonctionnement est le suivant :
10 % de la fraction du bénéfice imposable compris dans la limite de 10 % de 329 088€, soit un montant déductible plafonné à 32 909€ en 2020
15 % de la fraction du bénéfice imposable compris entre 41 136 et 329 088€, soit un montant déductible plafonné à 43 193€ en 2020
Ces deux plafonds se cumulent, ce qui nous donne un plafond maximum de 76 102€ en 2020 pour un travailleur non salarié.
Ces plafonds peuvent également être relevés grâce au rattrapage des plafonds non utilisés les années précédentes (information disponible sur votre feuille d’imposition) et à la mutualisation des plafonds entre conjoints.
Plusieurs sorties possibles
A la retraite, vous disposez de trois possibilités de sortie :
Une sortie en capital, vous récupérez l’ensemble des sommes placées
Une sortie sous forme de rentes viagères, en percevant une somme tous les mois
Un mélange des deux options précédentes, avec des retraits partiels en capital puis une rente viagère
Par exemple, pour 30 000€ d’épargne accumulés à 62 ans, cela permet de :
Récupérer en une seule fois 30 000 € après application des prélèvements obligatoires
Percevoir une rente d’environ 100€ par mois jusqu’à votre décès
Panacher les deux modalités de retrait, avec par exemple 5 000€ retirés immédiatement, 5 000€ dans 5 ans, puis une rente de 90 € par mois déclenchée à 70 ans
La fiscalité à la sortie
Si le PER permet de bénéficier d’une déduction d’impôt à l’entrée, la fiscalité s’applique évidemment à la sortie. Il faut d’ailleurs bien noter que la déduction d’impôt sur vos versements est une possibilité mais que vous pouvez la refuser et bénéficier d’une fiscalité différente à la sortie. La fiscalité va dépendre du type de versement et du type de sortie (capital ou rente).
Sortie en capital
Epargne issue de l’épargne salariale (intéressement, participation, abondements employeurs) : exonérée d’impôt sur le revenu dans tous les cas de sortie en capital. Les plus-values issues de cette épargne seront soumises aux prélèvements sociaux des revenus de placement (17,2% à ce jour)
Epargne issue des versements individuels volontaires ayant donné lieu à une déduction d’impôt : la part correspondant aux versements est imposée au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Les revenus de l’épargne et les plus-values font, quant à eux, l’objet du prélèvement forfaitaire unique (PFU soit 30%)
Epargne issue des versements individuels volontaires n’ayant pas donné lieu à déduction : ne donne lieu qu’à imposition et prélèvements sociaux sur les revenus de l’épargne et les plus-values (application du PFU à 30%)
Sortie en rente
Epargne issue de l’épargne salariale (intéressement, participation, abondements employeurs) : le barème des rentes viagères à titre onéreux (RVTO) sera appliqué afin de fiscaliser uniquement la part représentative des produits
Epargne issue des versements individuels volontaires ayant donné lieu à une déduction d’impôt : imposée à l'impôt sur le revenu selon le régime des pensions de retraite (barème progressif avec abattement de 10%). Les prélèvements sociaux sont appliqués sur une fraction de l’épargne uniquement (application du barème des RVTO)
Epargne issue des versements individuels volontaires n’ayant pas donné lieu à déduction : uniquement imposition et prélèvements sociaux sur les revenus de l’épargne (application du RVTO)
NB : Les droits issus des versements obligatoires des salariés et des employeurs dans le cadre de produits d’entreprises sont liquidables uniquement en rente et demeurent assujettis au régime fiscal et social des pensions de retraite.
Alors faut-il vraiment opter pour la déduction fiscale ?
Vous l’aurez compris, la déduction fiscale n’en est pas vraiment une, il s’agit plutôt d’un report d’imposition à la sortie, un prêt à taux 0 sur 30 ans de la part de l’administration fiscale en quelque sorte. Alors que faire selon vos perspectives d’évolution ?
La déduction fiscale sera bénéfique si votre taux d'imposition marginal a baissé à la sortie par rapport à l'entrée
Elle sera neutre en apparence si votre taux d'imposition marginal est équivalent à la sortie par rapport à l'entrée mais vous pourrez placer l’argent de la déduction fiscale (report d’imposition) pendant cette période obtenant ainsi un gain supplémentaire
La déduction fiscale sera pénalisante si vous envisagez un taux d'imposition marginal supérieur à la sortie par rapport à l'entrée, sauf si vous placez la somme obtenue de la défiscalisation sur un placement qui rapporte plus que la différence d’impôt :
Reprenons notre exemple. Vous êtes imposé à la tranche marginale d’imposition à 30 % et vous effectuez un versement de 5 000€ sur un PER. Votre baisse d’impôt est de 1 500€, soit 30 % des 5 000€ versés. Prenons l’hypothèse qu’au moment de la retraite, votre taux marginal est de 41%. Votre versement de 5 000€ sera donc fiscalisé à hauteur de 2 050€. Il sera intéressant d’opter pour la déduction fiscale seulement si vous placez ces 1 500€ pour qu’ils soient supérieurs à 2 050€ au moment de la sortie. Si vous êtes à 30 ans de votre retraite, il vous faut par exemple placer à un taux annuel de 1,05% pour transformer ces 1 500€ en 2 050€. Pour référence, la performance des actions américaines (S&P 500) sur très longue période est d’environ 6.5% (net d’inflation). En optant pour un investissement avec une part de risque (même relativement faible), cela semble donc tout à fait accessible.
En conclusion, tant que vous placez l’équivalent de la déduction d’impôt avec un minimum de performance, la déduction fiscale est le choix à privilégier pour optimiser la fiscalité.
Devez-vous ouvrir un PER ?
Dans certains cas, il est clairement intéressant d’ouvrir un PER :
Si vous avez un PER entreprise et pouvez bénéficier d’abondement de votre employeur, autant en profiter
Si votre taux marginal d’imposition est supérieur à 30%, et que vous avez de l’épargne dont vous n’avez pas besoin sur le très long terme, il est intéressant d’effectuer des versements sur votre PER en profitant de la déduction fiscale
Si vous aviez des plans d’épargne retraite avec des frais élevés, c’est également l’occasion de les transférer vers un nouveau PER avec peu de frais et une offre de supports qui vous convient
Le PER n’est cependant pas le seul moyen d’investir sur le long terme pour préparer votre retraite.
Avec des horizons plus courts, respectivement de 5 et 8 ans pour bénéficier d’une fiscalité douce, le PEA ou l’assurance-vie peuvent également être des outils adaptés, selon les investissements que vous visez, pour commencer à préparer votre retraite tout en gardant davantage de flexibilité.
Ils peuvent notamment être suffisants si vous avez un taux d’imposition marginal inférieur à 30% et/ou si vous pourriez avoir besoin des sommes placées avant la retraite pour un projet personnel n’entrant pas dans le cadre des exceptions du PER (accident de la vie et résidence principale).
Choisir son PER : les critères de sélection
Comme pour l’assurance-vie, les différents contrats sont très variables. Dans le cadre d’un PER individuel, il est recommandé de bien étudier les critères suivants pour faire votre choix :
Offre de produits financiers : si vous souhaitez investir via des ETFs, des SCPIs ou des OPCI, il faut vous assurer que le PER propose ces supports
Frais (gestion, entrée, etc.) : comme pour l’assurance-vie, il y a une grande disparité dans les niveaux de frais sur le PER, 60 millions de consommateurs dénonçait d’ailleurs ces abus il y a quelques jours. Les PER proposés par des acteurs en ligne sont généralement beaucoup moins gourmands en frais
Mode de gestion : gestion libre (vous faites vos choix d’investissement seul) ou pilotée (gérée par un professionnel)
Facilité de gestion : interface en ligne, qualité du support client
Le PER étant un nouveau produit, l’offre évolue très vite et de nombreux acteurs de l’assurance-vie en ligne ont récemment lancé leurs offres (ex : le robo-advisor Yomoni, Mes Placements, Placement Direct, Linxea, etc.), généralement plus compétitives que celles proposées par votre banquier.
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Par Guillaume Lartigau et Julien Saint Georges,
Co-fondateurs d’Axel : l’indépendance au service de votre patrimoine
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Merci pour cet article très clair et synthétique !